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La fraise de Monsieur Frézier

De façon très littérale, on peut dire de Monsieur Frézier qu’il a ramené sa fraise.

La fraise des bois

La fraise des boisLe fruit, tel que nous le connaissons, bien rouge et bien charnu, n’a pas toujours été ainsi.
Au départ, dans nos contrées, la fraise est surtout celle des bois. Ce qui est paradoxal puisque de nos jours nous cultivons nos fraises en plein soleil ou sous serres pour profiter de la chaleur. Aujourd’hui, on peut cultiver certaines fraises toute l’année, ceci grâce à des cultivars hybrides dits insensibles à la photopériode. C’est-à-dire que les temps de nuit et de jour n’ont aucune incidence sur son rythme biologique de floraison. Ce plant donne sa première fleur deux semaines après être planté. Et il donnera des fleurs sans cesse pendant les douze mois de l’année. Son fruit se développe de façon optimale entre 14 et 18° de jour comme de nuit.

Un médicament

la fraise antiqueMais revenons à la fraise des bois. Pendant l’Antiquité, les Romains l’utilisaient pour son parfum. Le nom scientifique de la fraise Fraga qui vient du latin fragro se traduit par sentir bon. Le mot fragrance possède la même origine. Le Romains l’utilisent surtout pour parfumer les produits cosmétiques aux vertus adoucissantes pour la peau.
Pendant le Moyen-Âge, la fraise des bois est cultivée et récoltée pour son usage médicinal. Toutes les parties de la plante sont répertoriées comme telles. Les décoctions de racines et de feuilles, par exemple, étaient employées pour les maladies du foie, la dysenterie, les inflammations de la bouche et plusieurs autres indications thérapeutiques. Karl von Linné, naturaliste du Siècle des Lumières, fait état de sa guérison de la goutte grâce au fraisier. On reconnait actuellement à la fraise une teneur en souffre bénéfique pour les problèmes hépato-biliaires.

De la fraise au Frézier …

Voyage de Frézier…Il y a plus qu’un pas, il y a un océan.
Jacques Cartier, à la fin du XVIè siècle, rapporte des terres d’Amérique du Nord, des plants de fraises. Ils sont intéressants car résistants au froid, à la chaleur, à la sécheresse et ils se cultivent dans des sols de différentes natures. Bref, ce fraisier de Virginie est totalement adaptable. Les fruits sont particulièrement parfumés. En Eutrope, sa culture est surtout adoptée en Angleterre.
Quelques décennies, plus trad, en 1715, un français, officier de marine, rapporte du Chili cinq plants de fraises dont les fruits sont particulièrement gros, les blanches du Chili. Malheureusement, il leur manquait le plan femelle. Vers 1740, des plants de blanches du Chili croisent spontanément avec des fraisiers de Virginie poussant à côté d’eux. Le miracle se produit, une espèce hybride voit le jour. Et ce croisement possède des propriétés inespérées. Les fruits sont gros comme les blanches du Chili, savoureux comme les fraises de Virginie et cerise ananas sur le gâteau … de fraises, leur parfum rappelle celui de l’ananas. Elle est baptisée “Fragaria ×ananassa Duch”.
Ce mariage aura une descendance incroyable puisqu’elle est à l’origine de la plupart des cultivars de nos jardins et de la culture de fraises de nos territoires.

François-Amédée Frézier

La fraise blanche du ChiliFrezier porte donc bien son nom, quelle aubaine il a eu avec un nom si prédestiné.
Pour tout dire, c’est la seconde fois que son nom est rattaché à celui de la fraise. En effet, Frézier est une déformation du nom fraisier. Au Xè siècle, un de ses ancêtres sert un plat de fraises des bois au roi Charles le Simple. On ne sait pourquoi mais ce plat lui vaut d’être anobli par le roi qui lui donne le nom de Fraise. Sept siècles plus tard, notre Frézier national est rattrapé par la fraise au gré de sa carrière militaire, de ses voyages en Amériques, de son goût pour la botanique et de bien d’autres aspects de sa vie qui nous échappent sûrement.
Dans les années 40, François-Amédée Frézier est employé à la direction des travaux du port de Brest. C’est probablement à ce moment que la fraise arrive au bout de notre péninsule armoricaine.

Lampe Frezier
Lampe à poser Amédée-François Frézier

Dans notre atelier de luminaires, nous avons rendu un hommage à cet homme, breton d’adoption. Nous lui avons dédié une lampe à poser imaginée dans un égouttoir à fraises. L’aubaine de trouver par deux fois cet ustensile, assez rare, en tôle émaillée, fut inspirante. Avec une mise en œuvre très simple et très efficace.

La fraise du Finistère

la fraise comme un cadeauPlougastel-Daoulas est l’emblème incontestable de la fraise en Bretagne. La culture de la blanche du Chili a vite cédé la place au « Fraisier Ananas » puis encore à d’autres espèces au gré des modes et de la demande. La culture d’espèces diverses permet d’étaler les récoltes et de fournir le marché sur une plus longue période. Au XIXè siècle, les bateaux au départ de la rade de Brest acheminent le fameux fruit rouge jusqu’en Angleterre. Le chemin de fer arrivé en 1865 fera voyager des fraises de Plougastel pour Paris et de là vers la Belgique.
On pense à tort que la culture de ce fruit nécessite un climat avec une certaine chaleur. Mais c’est plutôt la douceur qui donne au fraisier tout son potentiel de production. En cela, le département du Finistère est idéal. On parle même d’une action du Gulf Stream particulièrement favorable pour cette pointe de terre s’avançant dans la rade de Brest. Les hivers doux conjugués aux cultures entourées de murs de pierres les protégeant du vent et restituant la chaleur stockée dans la journée plaisent aux fraisiers de pleine terre.
De la seconde moitié du XVIIIè siècle à la moitié du XXè, la culture de la fraise de Plougastel est de plus en plus importante, jusqu’à atteindre 6000 tonnes produites à l’année. En 1940, la superficie des terrains destinés à la fraise concerne un quart des terres cultivées sur cette commune. Après la guerre, la fraise de Plougastel connait un déclin avec une production qui n’excède pas aujourd’hui les 900 tonnes.

Le goût de la fraise

Dans les parfums préférés, il y a la vanille, le chocolat et….la fraise. La fraise se répand partout où elle se sait appréciée, voire attendue.

La glace à la fraise, les bonbons à la fraise, le milk-shake à la fraise, la confiture de fraise, la Paille d’Or à la fraise, le sirop de fraise, les liqueurs de fraises, le coulis de fraises, les fraises à la crème, la tarte aux fraises, le smoothie de fraises, le crumble aux fraises, le sorbet à la fraise, les fraises au sucre, une mousse à la fraise…

Le fraisier des plaisirs

Le fraisier est le gâteau le plus emblématique de la pâtisserie réalisée avec des fraises. Dès que l’on prononce ce nom, on voit le blanc de la crème, le rouge rosé de la fraise, le biscuit de Savoie mousseux, la beauté et le savoir-faire de la préparation. On voit le printemps, la famille réunie, les nappes blanches, les bulles dans les coupes de Champagne. Puis on voit son assiette à dessert remplie d’une part généreuse et gourmande que l’on va savourer comme un plaisir unique. Chaque cuillère aura sa saveur, plus en fraises ou plus en crème.

Le fraisier comme gâteau de mariage, c’est cette sculpture incroyable inspirée des pièces montées de Marc-Antoine Carême conjuguées à l’art du pastillage chez les confiseurs du Siècle des Lumières. Un véritable gâteau de cérémonie que l’on doit au renouveau du printemps quand les fêtes de famille se déploient dans un joyeux banquet.

Le saviez-vous ?

  • plants de fraisesLa fraise est un des fruits les moins caloriques, à peine 30 Kcal pour 100 grammes, autant que la pastèque, deux fois moins que le litchis ou la mangue.
  • On dénombre plus de 600 variétés de fraises
  • La fraise n’est pas un fruit
  • La fraise constitue l’un des desserts préférés en France
  • La variété Gento peut produire des fraises qui atteignent 50 grammes