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L’histoire du foyer

Cheminée engagée

Avant d’être le fils du bois, le feu est le fils de l’homme. Gaston Bachelard nous livre sa pensée sur l’histoire du foyer.

L’histoire du foyer des origines

L'histoire du foyer préhistoireNous sommes en période de glaciation, 400 000 ans av. J.C. Les glaciers frôlent à peine le nord de la France. A Menez Dregan , les enfants trient les brindilles puis les branches plus épaisses. Si le feu vient à s’éteindre, il faudra le raviver, au pire le rallumer. Les flammes s’élèvent, le feu est au cœur de l’esprit des hommes qu’il protège, nourrit, réchauffe et éclaire. Des pierres sont disposées en cercle, le foyer est au centre de cet abri.

Au même moment, à presque 1 500 km de là, des enfants, des femmes et des hommes sont eux aussi près des flammes. Un foyer protégé par un muret de pierres prend place sur le sol d’une hutte, non loin du passage qui sert aussi à l’évacuation des fumées.
Les maisons néolithiques du Proche-Orient disposent d’un foyer situé en leur centre. A Tremblay-en-France en Seine-Saint-Denis, les fouilles d’un fond de cabane du haut Moyen-Âge situe le foyer sur le côté car les poteaux prennent place sur l’axe central.

Le foyer qui enfume

L'histoire du Foyer Moyen-ÂgeL’histoire du foyer au XIème siècle nous amène sur le site de Lann Gouh à Melrand dans le Morbihan et également trois siècles plus tard au hameau déserté de Gouënidou à Berrien dans le Finistère. Ici, les habitations sont faites de murs de pierres de faible hauteur et couverts par un toit à longs pans. Le foyer est au centre, la fumée s’échappe par les portes ouvertes en permanence. On y vit probablement très peu debout, ce qui évite de respirer les fumées. Les adultes s’affairent au tri des graines, à la cuisine, au tressage, les petits enfants respirent l’air moins enfumé près du sol. Ce modèle de maison aux murs bas et à la couverture végétale sur longs pans existe depuis plusieurs millénaires en Europe et va perdurer encore quelques siècles.
Placer ainsi le foyer au centre de l’habitat nous semble être une évidence de confort. Pourtant l’homme cherche par tous les moyens à décentrer puis à sortir le foyer…de son foyer.

L’histoire du foyer des logis de qualité

Cheminée château Moyen-ÂgeTout près de la maison rurale et paysanne, émerge une tour de pierre, un château, un manoir. Les murs de pierres s’élèvent au minimum sur toute la hauteur du premier niveau, les baies se ferment par des huisseries. Les niveaux suivants peuvent être en pierres ou en pan-de-bois.
L’histoire du foyer connait ici un nouvel épisode car il voit son emplacement se déplacer du centre vers le mur gouttereau pour assurer le rayonnement le plus large possible de la pièce. En Bretagne, plusieurs manoirs parmi les plus anciens (XIVè et tout début du XVè siècle) montrent cette disposition. A la Grande Mettrie du Han à Roz-Landrieux en Ille-et-Vilaine, la souche émerge au haut du mur de la façade arrière, tel un prolongement de la hotte, et s’élève pour trouver son tirage au-delà de la faîtière.
Comme il est encore délicat d’intégrer un conduit de fumée dans une maçonnerie qu’il faudrait prévoir très épaisse, on lui préfère un départ par une hotte très en saillie. Dans les salles basses sous charpente, la hotte est pyramidale pour rejoindre la section du départ de la souche. Pour un rayonnement maximum, la cheminée est très peu engagée voire pas engagée du tout. Le contre-cœur, c’est-à-dire le fond de la cheminée, est assuré par la maçonnerie même du mur, il n’y a pas de piédroit. Si engagement il y a, il est extrêmement faible, souvent moins de vingt centimètres et ses angles sont abattus en chanfrein. La hotte forme un large surplomb. L’absence de piédroit décrit donc de que l’on nomme une cheminée à faux-manteau.
Le plafonnement des salles sous charpente a parfois produit le déplacement de la cheminée depuis le mur gouttereau vers le mur pignon comme au manoir des Maisons Neuves à Saint-Malon-sur-Mel en Ille-et-Vilaine.

Le conduit comme difficulté majeure

Village médiévalSimultanément, il existe des cheminées sur mur pignon ou mur de refend. Le mur de refend est défini par un mur porteur qui sépare une pièce d’une autre. Comme le précise Jean-Jacques Rioult, dans l’ouvrage Le manoir en Bretagne, 1380-1600 , l’intégration complète du conduit de cheminée peut conduire à des réalisations spectaculaires. Les deux cas des manoirs de Kerat à Arradon dans la Morbihan et du Val aux Houx à Guégon, également dans le Morbihan, où le mur abrite à la fois une cheminée incorporée et un escalier. Cela amène à la réflexion suivante : est-ce la largeur nécessaire au passage du conduit qui a donné l’idée d’y associer un escalier ? Au vu de l’évolution générale que connaît l’histoire du foyer, il est probant d’imaginer que c’est l’opportunité de l’emplacement de l’escalier, qui a pu conduire le maître d’œuvre à y placer une cheminée incorporée. D’autres cas de cheminées incorporées de cette période sont dus à l’existence d’une cheminée d’étage avec surplomb. Les cheminées incorporées possèdent des angles profonds cassés au maximum par des chanfreins très larges de plusieurs dizaines de centimètres. La cheminée incorporée n’est techniquement possible à cette époque que dans un massif très puissant de maçonnerie. Certaines cheminées de la fin du Moyen-Âge montrent des exemples d’incorporation exemplaire comme au donjon du château de Tarascon en Ariège, au palais de justice de Poitiers dans la Vienne ou plus tard au château de Chambord dans le Loir-et-Cher. Précoce, il s’agit ici d’une architecture princière ou religieuse, qui, en tout état de cause restent des témoignages d’une architecture exceptionnelle et monumentale. Aux derniers siècles du Moyen-Âge, on distingue une hotte à la française complètement hors du mur et une cheminée à l’italienne plus intégrée.

Adossée, incorporée, engagée, un large choix

 

L'histoire du foyer baugeLa première moitié du XVème siècle peut être vue comme une période charnière. Les constructions où les foyers ne sont plus placés au centre des espaces de vie se répartissent pour suivre plusieurs options : placés sur mur gouttereau, sur mur pignon ou de refend. Parfois incorporée, engagée, ou parfaitement adossée, la cheminée peut être à faux manteau ou avec piédroits. Les expériences d’intégration totale des foyers dans l’épaisseur des maçonneries sont exceptionnelles, d’une part parce qu’elles s’expriment dans une architecture d’une qualité rare et très dispendieuse, d’autre part parce que ce choix de cheminée incorporée se conjugue avec une distribution peu courante qui place les cheminées l’une au-dessus de l’autre.

A consulter au coin du feu

 

 

Glossaire

  • Mur gouttereau : mur se plaçant sous les gouttières ; il relie les murs pignon.
  • Contre-cœur : mur de fond du foyer d’une cheminée où se place souvent une plaque de fonte
  • Piédroit : partie verticale supportant le linteau ou l’arc d’une ouverture pratiquée dans un mur (porte, baie, cheminée), appelé aussi jambage.
  • Manteau de cheminée : ensemble de construction formé par les piédroits, le linteau, ou l’arc, et la hotte de la cheminée.
  • Cheminée à faux-manteau : ensemble de construction de cheminée sans piédroit dont le linteau ou l’arc est porté par des corbelets.
  • Chanfrein : moulure plate obtenue par l’abattement de l’angle, synonyme de biseau.
  • Engagement : l’engagement de la cheminée est la partie du foyer prise dans la maçonnerie du mur de fond.
  • Mur de refend : mur de soutènement séparant deux espaces de construction. Ne pas confondre avec une cloison qui n’est pas un élément porteur.
  • Corbelet : petit corbeau, en saillie du mur pour soutenir une autre pièce.